The space of the poem in Jacques Roubaud poetry : movement, memory, meditation
L'espace du poème chez Jacques Roubaud : mouvance, mémoire, méditation
Résumé
This thesis offers a new perspective on the issues of poem spatiality, in its graphical and visual dimensions, within Roubaud’s work. This research question brings together the issues of the materiality of the medium, of typographical variations, of visuality – in other words, the graphical image of the text, and the layout-induced perceptive effects. It also addresses how the poet makes use of shapes and puts them into motion. Roubaud’s “poetry into page” reflection results from the aftermath of the Mallarmé-diagnosed “Crise de vers”. The priority is to provide new form-based foundations to “poetry’s possible” (Baquey) to assert its survival.
Roubaud proposes a wider conception of the poem as object, positing the written, oral, and memory-internal dimensions as indivisible. The poem’s spatiality is described in this set of four forms, thus providing a model of textual fluidity, relying on the metapoetical motif of the cloud. The first section explores Zumthor’s movement principle, acting both from the inside (in the poem as object in the making) and from the outside, throughout the work, shaped by texts in movement. This movement can be observed through the graphical space’s multidimensionality, utilizing different positional axes and vectors of reading. The second section examines closely the two fundamental factors in graphical variation: blank space and uncoupling of colour, shaping the topography of the space and acting towards a formal sense, both through their layout and sound. The third section moves onto a more global scale of analysis into the work’s spatiality. The hypertext model, in its connection to changes in the writing and reading media, offers a “hypermetaphor” (Anis) in order to consider the work of memory. The anthology dynamic generates a network structure, which follows a memory arts-inspired topology. The fourth section finally addresses the close link between memory and meditation – a composition method which permits the entirety of Roubaud’s work to be taken as a “meditative space” which remains open and unfinished, ready to become its own resting place. The shape is conceived as a memorial space, the trace of a spiritual exercise which must be experienced before turning into words. This thesis shows that, through poem spatiality, Roubaud turns writing and reading into a meditation through the medium of shapes. This meditation commences not simply a formal reflection on the future of poetry and its conveying of memory, but also an ethic which aims at reaffirming a sense of belonging to the world and giving shape to time.
La thèse ressaisit la question de l’espace du poème, dans ses dimensions graphiques et visuelles, dans l’ensemble de l’œuvre de Jacques Roubaud. Cette problématique engage la prise en compte de la matérialité du support, des variations typographiques, de la visualité, c’est-à-dire l’image graphique du texte et des effets de sens induits par le dispositif spatial. Elle est également tributaire de la manière dont le poète investit des formes poétiques pour les remettre en mouvement. La réflexion sur la « poésie dans la page » est liée chez Roubaud à une analyse de la réplique de l’après-coup de la « Crise de vers » diagnostiquée par Mallarmé. Il s’agit de refonder les « possibles de la poésie » (Baquey) du côté de la forme pour affirmer sa survie.
Roubaud propose une conception élargie de l’objet-poème, intégrant celle écrite, orale, et celles internes à la mémoire comme autant de dimensions indissociables. L’espace du poème est décrit dans ce « quatuor de formes », pour mettre au jour un modèle de textualité fluide – appuyée sur le motif métapoétique du nuage. La première partie observe le principe de mouvance (Zumthor) qui agit intérieurement dans le devenir de l’objet-poème – et extérieurement dans celui de l’œuvre, façonnée par la migration des énoncés. La mouvance s’observe dans la manière dont l’espace graphique (Anis) est saisi de manière multidimensionnelle, investissant différents axes positionnels et vecteurs de lecture. La référence centrale à Mallarmé permet, dans un second chapitre, d’envisager la question de la « poésie dans la page » comme une réponse personnelle à la « Crise de vers », dont Roubaud analyse la réplique dans le champ poétique contemporaine. On montre dans un dernier temps de ce chapitre que les expériences de « transposition-traduction » (des poètes américains, de la poésie japonaise ou de la Bible) informent sa pensée de l’espace graphique et des itinéraires de lecture. Les diverses dispositions permettent d’explorer différents états d’un même objet-poème. Le poète-traducteur élabore des compensations graphiques et spatiales de la perte de l’idéogramme ou au changement de système d’écriture. La deuxième partie examine à la loupe deux facteurs déterminants de la variation graphique : le blanc et les décrochages en couleurs qui, dans leurs dimensions graphiques et phoniques, façonnent la topographie de l’espace et agissent en faveur d’un sens formel. La troisième partie déplace l’échelle d’analyse pour observer de manière globale l’espace de l’œuvre. Le modèle de l’hypertexte – dans son rapport aux mutations des supports d’écriture et de lecture offre une « hypermétaphore » pour penser l’œuvre de mémoire, traversée par une dynamique anthologique. La quatrième partie affronte enfin le lien étroit entre mémoire et méditation – méthode de composition qui permet de ressaisir l’ensemble de l’œuvre roubaldienne comme un « espace méditatif » ouvert, inachevé qui constituerait son propre tombeau. La forme est conçue comme un espace mémoratif, la trace d’un exercice spirituel qui se vit avant de s’écrire. J’ai montré que, par l’espace du poème, Roubaud fait de la composition et de la lecture une méditation par les formes. Celle-ci engage non seulement une réflexion formelle sur l’avenir de la poésie et sa passation mémorielle mais aussi une éthique, visant à réaffirmer l’appartenance de l’être au monde et donner forme au temps.
Ce travail ressaisit l’ensemble de l’œuvre de Roubaud en accordant une attention nouvelle aux ouvrages les plus récents, poésie comme prose. Il propose en outre des modèles exportables pour nourrir des travaux récents sur la question de l’espace graphique du texte littéraire, de la poétique du support (Thérenty) et de l’énonciation éditoriale (Souchier).
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